Rapport d’activité au Congrès ordinaire du 8 mai 2021 de la section cantonale genevoise du Parti Suisse du Travail

Chères et chers camarades,

Deux ans et demi se sont écoulés depuis le dernier Congrès de notre Parti. Deux années et demie à la fois intenses, productives, compliquées, à un moment historiquement singulier. Nous tenons de fait aujourd’hui notre Congrès dans des circonstances pour le moins particulières. Si bien que nous n’étions pas sûrs de pouvoir le tenir jusqu’à la dernière minute, mais avons néanmoins estimé que nous devions le maintenir, puisqu’il est vrai que la pandémie ne met pas la lutte des classes en mode veille, et que notre Parti doit répondre présent face à ses responsabilités historiques.

La pandémie du COVID-19 a paralysé une bonne partie de la planète et a plongé le capitalisme mondialisé dans une crise grave, profonde et multiforme. Cette crise, sanitaire, sociale, économique, écologique et démocratique, confirme une fois de plus que le capitalisme fait obstacle aux solutions rationnelles et socialement justes des problèmes de l’humanité, que ce système a fait son temps, et qu’il est urgent d’en changer.

Tout le monde, y compris en Suisse, a pu pleinement se rendre compte de la fragilité et des aberrations de notre système capitaliste mondialisé : hôpitaux durement affaiblis par le néolibéralisme, gestion erratique d’autorités au service avant tout du capital, effets indésirables de la délocalisation de la production de biens essentiels dans des pays où la main-d’œuvre est sous-payée, système social qui laisse énormément de monde abandonné à son triste sort…

La crise économique déclenchée par la pandémie a d’ores et déjà amené une inflexion majeure, historique, dans le cours du capitalisme mondialisé. Pour empêcher que l’économie ne plonge dans une nouvelle grande dépression, les décideurs bourgeois renouent avec une forme de keynésianisme. Les États capitalistes développés ont de fait d’ores et déjà mis sur la table – pour faire face aux conséquences sanitaires, économiques et sociales du coronavirus – des sommes considérables, nettement supérieures et à celles engagées lors de la crise financière de 2008 ; 60 milliards de francs pour ce qui est de la Suisse. Les prétendus tabous sensément intangibles de l’idéologie néolibérale ont été balayés par la pression des faits. L’endettement public est redevenu acceptable. Les mécanismes du capitalisme monopoliste d’État font partout leur retour en force.

Le discrédit des idées néolibérales, du mythe du marché qui s’autorégule, est incontestablement une bonne chose, et nous offre un avantage conséquent pour la bataille des idées. Il faut rester conscients néanmoins que le rejet du libéralisme et l’appel à l’intervention de l’État de la part de la bourgeoisie n’est pas ipso factoprogressiste. Le libéralisme est en effet la doctrine de la bourgeoisie par beau temps. Lorsque la tempête gronde, elle est fatalement obligée d’y renoncer, de se réfugier sous le parapluie protecteur de son État, auquel elle demande un interventionnisme plus ou moins conséquent dans la sphère économique.

C’est tellement vrai d’ailleurs que les inégalités de revenus ont en effet encore explosé durant la pandémie. Les discriminations ont été exacerbées et l’extrême pauvreté a massivement augmenté. Tandis que la fortune des milliardaires a atteint un nouveau record en 2020, et que quelques-uns ont même fait des surprofits qui défient l’imagination, les plus pauvres ont subi cette crise de plein fouet, et auront besoin, d’après l’ONG OXFAM, de 10 ans pour retrouver leurs revenus d’avant la crise. Dans les pays pauvres, il s’agit trop souvent d’une frontière entre la vie et la mort.

Cette nouvelle explosion des inégalités se vérifie aussi en Suisse. Alors que les grandes banques font des profits records, les ménages gagnant moins de 4’000,- par mois ont perdu en moyenne 20% de leurs revenus. Beaucoup d’entre eux se sont endettés. Alors que les plus aisés n’ont connu que des désagréments mineurs, et ont même pu faire des économies, parfois considérables. La Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) prévoit une hausse de 21% du nombre de personnes qui n’auront plus d’autre choix que de demander l’aide sociale ces deux prochaines années.

Les 60 milliards de francs des différentes aides publiques n’ont fait qu’atténuer cette catastrophe sociale. Le système social existant a en effet montré toutes ses lacunes, et les différentes mesures d’aides – RHT, APG, autres mesures d’indemnisations – ne couvrent pas toutes celles et ceux qui en ont besoin, et ne sont pas suffisantes. Le capitalisme conduite nécessairement à la paupérisation d’une majorité de la population. Ses crises accélèrent et aggravent cette tendance.

Le contexte de crise a accentué les tendances réactionnaires et autoritaires du capitalisme. Les gouvernements bourgeois ont bien souvent pris la pandémie comme prétexte pour restreindre les possibilités d’exercice des droits démocratiques, pour renforcer l’État policier. C’est une tendance dangereuse, qu’il faut résolument combattre. Le provisoire a trop souvent tendance à devenir permanent. Il n’est que trop symptomatique que la première loi sans lien avec le Covid sur laquelle a planché l’Assemblée fédérale après le premier semi-confinement fut la liberticide et négatrice de l’État de droit loi sur le terrorisme, sur laquelle nous voterons le 13 juin, et qu’il faut bien entendu refuser.

Le retour en force du capitalisme monopoliste d’État n’a nullement désamorcé les tendances agressives de l’impérialisme. Pire, il les a renforcées. La puissance impérialiste sur le déclin que sont les États-Unis d’Amérique s’engage de fait dans une stratégie jusqu’au-boutiste de guerre commerciale, de tension diplomatique et de guerre de propagande contre la République populaire de Chine et la Fédération de Russie, qui, dans le pire des scénarios, pourrait dégénérer en guerre tout court. L’impérialisme constitue plus que jamais une grave menace pour la paix mondiale, pour la survie même de l’humanité, une menace qu’il faut résolument combattre.

Et, bien que la question ne soit plus en tête de l’ordre du jours politique, la pandémie n’aura en rien fait disparaître l’urgence écologique. Le capitalisme, au nom de l’impératif de l’accumulation du capital et de la soif de profit de la petite oligarchie qui règne sur ce monde, nous conduit à toute vitesse vers une extinction programmée. Les températures ont d’ores et déjà augmenté de 1°C par rapport à l’ère préindustrielle, et les conséquences en sont visibles, et dévastatrices. Le problème étant que, loin des objectifs proclamés de réduction des émissions de gaz à effet de serre, celles-ci continuent régulièrement à croître, et, au rythme actuel de l’inaction des pouvoirs politiques et de la soif de profit sans fin des entreprises, cela est bien parti pour continuer. Ce qui impliquerait une hausse des températures jusqu’à 3,9°C d’ici la fin du siècle, ouvrant la porte à des boucles de rétroaction incontrôlables, et rendant finalement la planète inhabitable, ou peu s’en faut.

Et le réchauffement climatique n’est pas le seul problème écologiquement urgent. Se concentrer uniquement sur les émissions de gaz à effet de serre amène même parfois, dans une approche de greenwashing, à une étrange casuistique, où on présente comme « vertes » des technologies qui en fait ne le sont pas. Il y a aussi le problème de la pollution, la limitation des ressources en métaux…Une approche globale et un changement radical de système sont nécessaires. Le marxisme est la seule méthode à même de penser et d’accomplir un tel changement. La voie de la révolution plutôt que de la réforme lente de l’ordre existant n’est plus aujourd’hui un enjeu de discussion doctrinale, mais une urgence vitale.

La crise économique rend cette urgence d’autant plus grande. Pour « sortir de la crise », nombre de pays capitalistes envisagent de renoncer au peu de progrès qui ont été faits, pour relancer massivement les filières fossiles, l’aviation, les croisières…De fait, si la bourgeoisie parvient à relancer l’accumulation du capital, ce serait au prix d’une hausse massive des émissions de gaz à effet de serre. Une sortie de la crise sous le capitalisme signifierait rendrait la catastrophe écologique inévitable et irréversible. Une catastrophe qu’il faut absolument empêcher.

Comme l’a brillamment dit Evo Morales, ancien président de Bolivie, en 2007 : « Le monde souffre d’une fièvre provoquée par le changement climatique, et la maladie est le modèle capitaliste de développement ». Heureusement, cette maladie n’est pas incurable. Le socialisme est le remède.

S’il est difficile de faire des prévisions sur comment cette crise va évoluer, et qu’il serait hasardeux de faire des plans sur la comète, il est clair pourtant qu’il s’agit d’un moment historique, d’un point de rupture profonde et durable, pas d’une simple parenthèse. Soit les forces de progrès parviendront à imposer une sortie de crise par le haut, en faveur de la justice sociale et climatique, soit la bourgeoisie parviendra à relancer le cycle d’accumulation du capital au détriment des peuples et au prix d’une catastrophe écologique.

Notre Parti a une responsabilité historique dans ces circonstances : organiser la lutte pour le socialisme, seule sortie véritable des crises du capitalisme, convaincre les classes populaires de la justesse cette perspective. A nous de nous donner les moyens d’être à la hauteur de cette tâche.

Ces moyens, nous les avons. Depuis notre dernier Congrès, le Parti du Travail s’est renforcé. Notre nombre de membres a significativement augmenté, le nombre de membres actifs plus encore. Nos rangs se sont étoffés, ont rajeuni. Ce qui prouve la crédibilité en hausse de notre Parti, l’influence grandissante – fût-ce encore modestement – de nos idées. Les Jeunes POP, qui représentent maintenant une force significative à l’intérieur de notre Parti comme en dehors, ont apporté une contribution importante et appréciable en ce sens. Il nous reste toutefois encore des progrès à faire pour mieux mobiliser tous nos membres, leur permettre de mieux s’impliquer dans la vie du Parti.

Au niveau national, notre Parti est également en progression partout où il existe, en termes d’organisation comme de capacité de mobilisation, et, dans plusieurs cantons, cette progression s’est également traduite en termes électoraux, bien que ces succès demeurent modestes. Et le Parti Suisse du Travail compte deux nouvelles sections cantonales dynamiques : Bâle et Valais. Et comptera sans doute bientôt une section en Argovie, et peut-être également à Fribourg d’ici quelques temps.

Nous avons fait également des progrès non négligeables en termes d’organisation. Notre Comité directeur a été étoffé, rajeuni, complété par de camarades nouveaux et motivés, et comptait, avant ce Congrès, 20 membres. L’amélioration au niveau du travail accompli, tant en quantité qu’en qualité, ne s’est pas fait attendre. Il reste toutefois encore une marge de progression au niveau du style de travail, dans le respect des principes d’une direction collective.

Nous avons également deux commission internes fonctionnelles, qui ont fourni un travail utile et de qualité : une commission consacrée à la crise économique et sociale, qui produit une analyse solide de la crise née du Covid – analyse dont nous discuterons lors d’une Assemblée générale convoquée prochainement, – ainsi qu’un projet d’initiative populaire qui est l’ordre du jour du présent Congrès ; et une commission de communication, qui a fait un travail important pour améliorer la communication de notre Parti : refonte de notre site internet, production d’une plaquette de présentation qui sera bientôt disponible, production de visuels et de vidéos, meilleure utilisation des réseaux sociaux…Il reste bien sûr beaucoup à faire pour perfectionner notre communication, la rendre plus percutante, plus efficace et plus systématique.

Notre Parti ne fonctionnerait pas une semaine sans son secrétariat. Il faut remercier ici les camarades – salariés et bénévoles – qui se sont engagés dans le cadre du secrétariat, et ont accompli un travail considérable : gestion de la correspondance entrante et sortante, convocations envoyées aux membres, service social et permanence de remplissage des déclarations d’impôts – à la fois source de rentrées financières indispensable et travail social inestimable en direction des classes populaires, dont les bénéfices politiques sont supérieurs aux rentrées financières générées – contribution majeure aux évènements et aux diverses campagnes du Parti…La liste est loin d’être exhaustive. Nous sommes toutefois contraints de procéder, pour améliorer le fonctionnement de nos structures, à une restructuration de notre secrétariat ; tâche qui, conformément à nos statuts, revient au Comité directeur qui sera élu aujourd’hui.

Au-delà des paramètres liés à notre organisation interne, le contexte politique plus général est également devenu plus favorable à notre lutte politique, à la diffusion de nos idées. La crise aura fait bouger les lignes du débat public, changé les rapports de force. Les forces de progrès ont ainsi remporté pratiquement toutes les votations depuis plus d’une année – du moins sur le plan cantonal – et ont obtenu des victoires considérables par cette voie : introduction d’un salaire minimum, initiative « zéro pertes », fonds d’indemnisation pour les travailleurs précaires…Des succès qu’il aurait été irréaliste d’espérer il y a encore quelques années. Et ces victoires sont autant de défaites pour les forces de la bourgeoisie. Bourgeoisie dont les partis politiques sont d’ailleurs actuellement en difficulté, et en douloureuse recomposition, à la suite de la dernière élection complémentaire au Conseil d’État.

Durant la période écoulée depuis le dernier Congrès, notre Parti a su utiliser les forces dont il dispose et le contexte devenu plus favorable pour faire avancer sa lutte politique. Nous avons déployé une activité multiforme et importante : prises de position pour les votations populaires, engagement dans des campagnes de votations et des comités unitaires sur les objets importants à nos yeux ; organisation d’événements publics – activité politiquement importante, et à laquelle nous avons su donner plus d’ampleur, et attirer plus de public extérieur ; organisation de journées de formation ; édition d’un journal mensuel (ou à peu près), l’Encre Rouge ; organisation de la Fête des peuples sans frontières – qui n’a hélas pas pu être possible l’année passée, et qu’il serait difficile d’organiser cette année ; participation au 1er mai et à différentes manifestations.

Une dimension de notre activité sur laquelle je tiens à insister particulièrement est la solidarité internationale. Parce que nous sommes un parti internationaliste. L’internationalisme prolétarien fait partie de nos principes fondamentaux. Face à la bourgeoisie, à son capitalisme mondialisé et à son impérialisme, les classes populaires et les peuples opprimés de par le monde doivent ou bien lutter ensemble, ou bien échouer ensemble. Aussi, ne séparons-nous pas la lutte des classes en Suisse des luttes qui ont lieu ailleurs. Notre Parti a été fidèle à son devoir internationaliste, en soutenant la République de Cuba, la République bolivarienne du Venezuela, le processus du changement en Bolivie, et beaucoup d’autres peuples en lutte. Ce en mettant à disposition nos locaux et en participant à des événements de solidarité internationale.

Notre Parti s’est engagé depuis le début dans l’organisation de la Grève pour l’avenir, mouvement important de lutte face à l’inaction des gouvernements bourgeois et au capitalisme qui nous conduit à la catastrophe. Je le mentionne ici puisqu’il s’agit d’une lutte d’importance stratégique. Nous en discuterons plus en profondeur tout à l’heure.

Et c’est à notre initiative que les partis de gauche et les syndicats se sont réunis pour proposer une réponse politique à la crise du Covid, qui a conduit à une paupérisation massive, pendant que quelques-uns se sont encore enrichi au-delà de toute mesure ; pour imposer une redistribution des richesses – alors que les inégalités ont massivement augmenté à Genève cette dernière décennie, et que moins de 1% des contribuables possède la moitié de la fortune totale ; pour répondre enfin au problème du déficit structurel de l’État, en imposant un retour sur les innombrables cadeaux fiscaux aux plus riches, plutôt que de laisser la droite imposer de nouvelles coupes dans les prestations. La proposition soumise par notre Parti à nos partenaires, et qui fut soutenue par eux – même s’il y a eu désaccord et ajustement sur les modalités exactes – est celle du lancement d’une initiative populaire cantonale commune pour relever la taxation de 0,5% sur la part de la fortune dépassant 3 millions. Une proposition qui reste très modérée comme vous pouvez le constater, mais qui permettrait tout de même de faire rentrer plus de 400 millions dans les caisses du canton et des communes par années. L’initiative est en cours de vérification au niveau juridique actuellement, et devrait pouvoir être lancée bientôt.

Cette activité que nous avons déployée aurait bien entendu pu être plus importante sans les restrictions sanitaires.

En revanche, vous le savez, nous avons perdu tous nos élus municipaux en Ville de Genève et à Confignon, et n’avons, en guise de participation parlementaire, qu’un seul siège : celui de notre députée au Grand Conseil, Salika Wenger. Les raisons de cet état de fait, vous les connaissez : la coalition qu’est Ensemble à Gauche s’est décomposée par suite des manigances de certains de nos anciens « alliés », qui, pour des raisons qui n’ont rien d’honorable, nous ont posé des conditions inacceptables, à la suite de quoi nous n’avions pas eu d’autre choix que de nous présenter seuls aux élections, bien que ce n’eût pas été initialement notre intention. Je ne reviendrai pas sur ces péripéties, aussi compliquées qu’au fond peu intéressantes, insignifiantes au regard de l’Histoire et de la lutte des classes.

Cela dit, si la loi électorale genevoise et le quorum extrêmement élevé de 7% nous a empêché de maintenir des sièges dans les délibératifs communaux, il ne s’agit en réalité que d’un demi-échec. Nos résultats aux élections municipales en 2020, et à l’élection complémentaire au Conseil d’État le 7 mars passé, sont somme toute loin d’être mauvais. La campagne électorale a été dans les deux cas bonne – même s’il reste encore évidemment beaucoup de choses à améliorer – nous a permis de faire entendre des positions claires et combatives, de retrouver de la visibilité et de la crédibilité. Le fait de nous présenter seuls aux élections, sous notre propre nom, a été en ce sens bénéfique. Désormais, il est clair pour tout le monde que le Parti du Travail existe, ses positions sont connues, et plus personne ne peut contester ce fait, où nous considérer comme quantité négligeable.

Malgré cela, il serait sans doute hors de notre portée d’atteindre le quorum avec nos seules forces pour le moment, et une alliance électorale se révèlera sans doute indispensable. Il serait aventureux d’y renoncer par principe. Cela dit, avec Ensemble à Gauche, nous avons atteint à l’évidence les limites d’un exercice. Sera-t-il possible de repartir avec tout ou partie de nos anciens « alliés » sur de nouvelles bases ? Une recomposition a actuellement lieu entre solidaritéS et une scission conduite par certains ex-dirigeants de cette organisation, une recomposition qui n’est pas encore terminée ; il serait donc opportun d’attendre que les choses finissent par se clarifier totalement. Nous n’avons pas encore eu non plus de réelles discussions avec nos partenaires potentiels, et de ce fait ne pouvons pas nous prononcer sur les possibilités de collaboration future avec eux. Il est enfin encore trop tôt pour les élections cantonales de 2023, et il ne faudrait pas que de nouveau les affaires d’Ensemble à Gauche polluent outre mesure notre fonctionnement, et nous empêchent de mettre nos forces dans nos tâches politiques directes. Les nouvelles instances que le présent Congrès élira devront examiner soigneusement les données de question, envisager les différentes options possibles, et soumettre à une Assemblée générale de notre Parti qui sera convoquée alors le choix de notre politique d’alliance future.

Mais, avant que de songer aux élections et alliances pour franchir le quorum – ce qui est certes une question importante, mais loin d’être l’enjeu principal – il nous faut auparavant songer au renforcement de notre Parti, à nos tâches stratégiques directes. La vocation principale du Parti du Travail n’est après tout pas de placer des représentants issus de ses rangs dans les assemblées parlementaires, mais de conduire politiquement une lutte de classe pour changer radicalement la société, d’amener à une rupture avec le capitalisme et à la construction d’une nouvelle société socialiste. Ce but peut sembler encore lointain, mais nous devons tout faire pour y tendre. Quelles doivent être nos priorités stratégiques ? Certaines vous sont soumises aujourd’hui, et nous aurons l’occasion d’en débattre tout à l’heure. D’autres ont été repoussées pour raccourcir le Congrès d’aujourd’hui, et vous seront soumises à l’occasion d’une ou de plusieurs Assemblées générales, qui seront convoquées dans les plus brefs délais. J’insisterai pour finir sur trois aspects, pour ainsi dire « transversaux » à toutes ses priorités stratégiques.

Pour que notre Parti soit à la hauteur de ses responsabilités historiques, nous devons renforcer et améliorer son organisation. L’élévation du nombre de nos membres doit nous permettre – sitôt que le semi-confinement sera levé – de rebâtir des sections locales dans plusieurs communes, premier échelon de notre organisation, véritables racines du Parti sur le terrain, dans les lieux de vie ; ce qui nous permettra de mieux et plus efficacement mobiliser tous nos membres, de leur permettre d’être plus impliqués dans la vie du Parti ; d’accroître notre présence sur le terrain ; d’augmenter l’intensité et la qualité de notre travail politique.

Nous devons également améliorer notre appareil, constituer, autour du Comité directeur et en collaboration avec lui, d’autres commissions spécialisées que les deux précitées, ce qui déchargerait la direction de notre Parti d’un trop grand nombre de tâches qu’elle doit assumer actuellement, et lui permettrait de se concentrer sur des questions prioritaires qu’elle pourrait alors traiter plus en profondeur.

Dans le feu des différentes luttes qui nous attendent, nous ne devons en aucun cas négliger notre travail d’élaboration théorique. Nous ne pouvons ni déchoir à un simple praticisme, à un culte étroit du « concret », ni nous contenter des acquis théoriques du passé. Comme l’écrivait Constantin Tchernenko, dernier secrétaire général du PCUS à avoir porté avec honneur son titre :

« L’expérience et la lutte révolutionnaire, l’expérience de l’édification socialiste et communiste nous enseignent qu’il faut intervenir résolument contre le dogmatisme, la sclérose de la pensée, contre l’application irréfléchie de clichés tout prêts et de stéréotypes. Le marxisme, soulignait Lénine, n’est pas un dogme, mais un guide pour l’action. Le léninisme n’est pas un dogme, mais un guide pour l’action, disent les disciples de Lénine. Être fidèle à Lénine, c’est s’imprégner de l’esprit créateur dont était empreinte l’activité théorique et pratique de notre parti. Être fidèle à Lénine, c’est lutter résolument contre les tentatives de défigurer notre doctrine révolutionnaire, qu’elles soient de droite ou de « gauche ».

« Le courant de la vie est rapide. De nouveaux problèmes viennent remplacer ceux d’aujourd’hui. Et ce qui était juste hier peut être erroné demain. D’où la nécessité de remarquer, de saisir les nouveaux phénomènes et processus, de les analyser et de les synthétiser, de fournir de nouveaux points de repères théoriques à la pratique. »[1]

C’est ce que notre Parti s’efforce de faire : penser des enjeux nouveaux, inédits, ou présentant en tout cas des aspects différents de ceux du passé ; comme l’actuelle crise économique et sociale, qui n’est pas une simple répétition de celles du passé ; ou l’urgence écologique, pour laquelle notre tradition offre certes des éléments pour la penser, mais qui est sans commune mesure avec les enjeux écologiques auxquels ont dû faire face nos prédécesseurs. Nous devons être capables à la fois de penser les tendances nouvelles, et contribuer ainsi au développement du socialisme scientifique, en tout cas à notre échelle, et rester fermement ce faisant sur le terrain éprouvé du marxisme, sans céder à l’éclectisme, à toutes les nouvelles idées à la mode, qui seront oubliées demain.

Troisièmement, nous devons maintenir et renforcer le travail de formation politique offerte à nos membres, plus particulièrement ceux qui occupent des postes à responsabilité au sein de notre Parti. Comme le disait Maurice Thorez :

« Nous devons faire beaucoup plus pour faciliter l’étude de la théorie à tous les militants du Parti, surtout à ceux qui occupent des fonctions responsables, et qui peuvent se laisser absorber et déborder par leurs tâches quotidiennes, jusqu’à perdre la perspective et sombrer dans un étroit praticisme »[2]

Chères et chers camarades,

Cette année marque les 150 de la Commune de Paris, cette première révolution prolétarienne dans l’histoire, lorsque la classe ouvrière parisienne est « montée à l’assaut du ciel », détenu le pouvoir pendant 72 jours et donné une première préfiguration d’une société nouvelle. Notre Parti avait organisé – à défaut d’un événement public digne de ce nom – un live Facebook. Or, 150 ans plus tard, la Commune demeure toujours une référence, une source d’inspiration. Comme l’écrivait Lénine :

« L’œuvre de la Commune n’est pas morte ; elle vit jusqu’à présent en chacun de nous. La cause de la Commune est celle de la révolution sociale, celle de l’émancipation politique et économique totale des travailleurs, celle du prolétariat mondial. En ce sens, elle est immortelle »[3]

La voie sur laquelle les communards avaient accompli les premiers pas reste celle que nous sommes déterminés à suivre. Les échecs et les faiblesses mêmes de la Commune ont permis d’affiner la théorie marxiste de l’État et de la révolution, et ont eu leur importance dans la définition de la nature et des tâches du parti de type nouveau, le parti communiste. C’est un héritage qui reste aujourd’hui le nôtre, et auquel nous devons rester fidèles.

Lénine disait à la veille de la Grande Révolution Socialiste d’Octobre à propos du Parti bolchévique, calomnié alors par presse bourgeoise et la « gauche » conciliatrice : « Nous avons foi en lui, il est l’intelligence, l’honneur et la conscience de notre époque ». Toutes proportions gardées, nous devons nous efforcer d’être à la hauteur de ces exigences, pour que notre Parti puisse remplir son rôle historique : le renversement du capitalisme et la construction d’une nouvelle société socialiste.

Alexander Eniline

Président sortant

 

[1] Tchernenko Constantin, « S’aligner sur Lénine, agir comme Lénine », discours, 22 avril 1981

[2] Thorez Maurice, XIe Congrès du PCF

[3] Lénine, « A la mémoire de la Commune », 28 avril 1911